Lucie Pinzano, une amatrice du thé japonais

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Lucie Pinzano, une amatrice du thé japonais, vient tout juste de publier un article sur le blog de Monsieur A. Je suis très heureux de le partager avec vous.

 

 

Un thé ne se déguste pas qu’avec la bouche, les yeux et le nez, mais aussi avec le cœur.

 

 

 

 

Ce que j’ai appris en partageant la vie de fermiers de thé au Japon.

 

 

En partant, j’avais l’envie de connaître les Hommes qui veillent sur les théiers, ceux que l’on appelle les fermiers de thé. Je rêvais de pouvoir travailler à leurs côtés. Et c’est arrivé. 3 fois. La première était prévue, les autres se sont présentées. Voici ce que j’ai appris en partageant la vie de familles d’agriculteurs à Wazuka (Kyoto), Fujieda (Shizuoka) et Higashi-Sonogi (Nagasaki).

 

 

Ce qui m’a le plus marqué est la passion et le travail que demande la culture et la fabrication de ces feuilles de thé qui surnagent dans nos tasses avant de finir souvent à la poubelle. En accompagnant les fermiers, j’ai partagé leur sacerdoce. Accroupie à désherber 8h par jour, ou bien debout en portant une machine pour récolter ou élaguer entre les rangs de théiers sur des terrains en pente à 45 degrés et plus. Ou encore simplement à se baisser tous les mètres sur près d’1 km pour fixer des couvertures en vinyles sous un soleil parfois de plomb (environ 1300 pinces posées en une matinée). Le temps que durent les récoltes (1 à 3 semaines), les fermiers commencent leurs journées à 6h et ne les terminent souvent pas avant 3h du matin.Ce qui n’empêche pas certains de s’investir dans le moindre détail de la production. Couleur et tendresse des feuilles, de la liqueur, aspect visuel, finesse de façonnage, arômes…

 

 

Chaque aspect est scrupuleusement contrôlé. Leur travail commence dans le champ et ne s’achève que dans l’usine de transformation ou parfois jusqu’à celle de raffinement. Ils opèrent sur de petites lignes de production, leurs champs sont à taille humaine (moins de 6 hectares), ils fabriquent eux-mêmes leur engrais et ils n’accorderont qu’une confiance limitée aux capteurs des machines en usine. Pour ceux-là, il s’agit plus d’une vocation que d’un métier. Une vocation à laquelle ils s’astreignent avec la discipline d’un samouraï. Je les appelle d’ailleurs les fermiers samouraïs. Nombreux sont ceux qui à 70 ans passés, sont encore dans leurs champs à s’occuper de leurs théiers. Cependant, leur nombre s’étiole. La jeune génération rechigne à suivre la voie de leurs parents qui vieillissent et faute de repreneurs, doivent laisser leurs théiers à l’abandon.

 

 

Pour les plus jeunes, c’est un métier où l’on ne gagne pas bien sa vie et où le travail est difficile. Dans ses conditions, d’autres ont alors recours aux machines. Plus efficaces celles-ci changent la pratique du fermier, le libère tout l’éloignant de ses théiers. Les machines demandent des champs étendus pour « rentabiliser » leur utilisation, cela dans des zones déblayées facilement accessibles à leurs chenilles mécaniques. Des conditions plus adaptées à la plaine et à des cultures intensives qu’à de la culture traditionnelle en altitude. Ainsi, tout va plus vite. Le fermier récolte 200kg de feuilles d’un seul coup et pars à l’usine avec 600kg en chargement net. En une seule matinée, si sa surface cultivée le permet, il peut récolter plusieurs milliers de kilos d’un seul coup. Le thé qui est produit ainsi est parfois de grande qualité. Cependant, il sera compliqué de fabriquer autre chose à partir de ces feuilles que du « fukamushi sencha » (深蒸し煎茶), un thé vert avec un fort goût en thé mais une complexité aromatique limitée. Pour comparaison, à durée équivalente, un fermier peut espérer récolter à deux personnes avec une machine portative, environ 200 à 300 kg par matinée. Le volume est plus faible mais la cueillette plus fine. Et parfois, le fermier n’a pas le choix. S’il veut que ses théiers grandissent dans un environnement naturel de montagne, il devra les récolter ainsi. A une autre échelle encore, il y a la cueillette manuelle. Celle-ci encore pratiquée pour le gyokuro traditionnel (伝統本玉露), les récoltes de concours ou la fabrication de temomicha (手揉み茶), ne permet de récolter qu’environ 8kg de feuilles maximum par personne par jour de travail. Leur façonnage à la main prendra lui 5 à 6h de malaxage à plusieurs pour ne récupérer en fin de journée que quelques kilos de thé. Mais le résultat est à la hauteur des efforts qu’il a demandé… Extraordinaire.  Les aiguilles sont incroyablement longues et fines, leurs arômes et leur odeur sont d’une puissance bouleversante. C’est tout simplement le plus haut grade de thé qu’il est possible de fabriquer. Et c’est la qualité de thé que chacun essaye d’atteindre au travers des machines de fabrication qui ont été conçues pour imiter les gestes de l’homme.

 

 

De tout ceci, s’il ne fallait retenir qu’une chose, ce serait que derrière chaque grand thé, il y a un Homme passionné qui a veillé intensément sur ses théiers.Le thé que l’on boit et la personnalité de l’Homme qui l’a fait poussé sont inséparables. Lorsque l’on boit un thé, on découvre le parfum de son sol, les conditions dans lesquelles il a grandit, son environnement. Il nous surprend parfois parfois par un caractère singulier propre à sa variété ou à sa fabrication. Un thé ne se déguste pas qu’avec la bouche, les yeux et le nez, mais aussi avec le cœur.

 

 

Lucie Pinzano
[Lucie a décidé à 31 ans de quitter un poste de cadre pour poursuivre sa passion au Japon. En avril 2019 elle est partie à la rencontre de celles et ceux qui cultivent, façonnent et préparent le thé au Japon.]  
Twitter : @Aventuriere_web
Instagram : @tea_pilgrim

 

 

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